Visiter le Mont-Valérien, Haut lieu de la mémoire nationale en Ile-de -France, est une expérience à part entière, une aventure avant, pendant et après la visite.
C’est une visite exigeante en termes de préparation mais aussi, d’anticipation quant à la manière d’aborder la complexité des profils de fusillés et la nature d’un lieu où des résistants comme des otages juifs ou communistes sont fusillés en représailles des actes de résistance.
Il faut à la fois préparer les élèves en amont et aussi s’interroger sur le type de parcours ou de visites à proposer.
Le Mont Valérien est un lieu d’exécution de résistants mais aussi un lieu de la Shoah.
Cette question est socialement vive mais nous sommes investis par le devoir de mémoire en tant que citoyen et a fortiori en tant que professeur d’Histoire.
L’offre pédagogique du Mont Valérien est diverse et j’ai pu découvrir lors de la première journée pédagogique du Mont Valérien organisée par Jenna Massieux, directrice adjointe du Mont Valérien en charge de la pédagogie et de la médiation, une modalité de visite tout à fait originale : la proposition de visite théâtralisée mise en œuvre par la Compagnie des Oiseaux.
Cette visite permet de donner corps à l’Histoire, d’incarner des destins d’hommes et de femmes et de ponctuer le discours des médiateurs par une « Histoire en acte  » soucieuse de se conformer aux documents d’archives et aux différents témoignages sur les arrestations, procès et exécutions de l’année 1942.
Seules 4 représentations ont lieu cette année et nous avons donc eu beaucoup de chance !
Les élèves ont montré un grand intérêt tout au long de la visite et ont même réalisé une petite interview des comédiens pour qu’ils leur expliquent leur intérêt pour l’Histoire, leurs techniques d’écriture et de jeu.
Le travail d’écriture collaborative qui s’ensuit en est le vivant témoignage. Je ne peux que vous encourager à vous engager dans ce type de rencontres.
Les élèves devaient à la fois faire part de leurs émotions car on ne peut les évacuer sans les mettre en mot, mais aussi évoquer ce qu’ils ont appris et ce que la visite théâtralisée leur a apportés.
Devant la flamme éternelle
« Quand nous sommes arrivés devant le Mémorial, je n’avais pas compris que l’endroit où nous nous trouvions était une enceinte qui servait de fort pour les Allemands. J’attendais donc la suite de la visite pour comprendre quel était ce lieu  » (Sirine)
« Devant le mémorial, c’est comme si les corps des fusillés étaient autour de moi.  » (Princes)
« C’est assez rare d’assister à une visite théâtralisée dans un lieu où des personnes ont été fusillées. Cela ne m’a pas déplu, je me suis mise à leur place. J’ai été très impressionnée par les comédiens qui ont su faire revivre physiquement les êtres disparus et réinventer un réel d’il y a presque 80 ans. Nous avons eu l’impression d’avoir été avec les personnages de l’Histoire  » (Jirah Mai).
« Dans la première scène, nous avons vu que des femmes, des hommes, des résistants ont été torturés car ils ne voulaient pas parler  » (Noah)
« Quand on a fait cette sortie, j’ai remarqué la vraie violence que recevaient les résistants français, les communistes et les juifs dans ce Fort. Les hommes ont été directement tués sur des poteaux ou à terre, les femmes étaient envoyées dans des camps où elles travaillaient, la plupart des gens tués sont juste des otages.  » (Kylian L)
« La scène qui m’a le plus ému est celle où une résistante à genou, assise dans le sang, reste dans le silence au péril de sa vie.  » (Louane)
« On n’aime pas toujours l’Histoire mais le guide était intéressant, il m’a donné envie de participer, j’ai pu apprendre que les étudiants et des professeurs ont défilé le 11 novembre 1940 lors de l’anniversaire de l’armistice et il y a eu beaucoup de blessés. Les fusillés du Mont Valérien sont des personnes de tout âge, des Polonais, des Français, des communistes, des Juifs mais les moins de 16 ans ne pouvaient pas être fusillés. Le Mont Valérien est un lieu de mémoire dont les témoins sont quasiment tous morts. Grâce aux lettres de prisonniers envoyées à leurs proches, on peut retracer leurs derniers moments au Mont Valérien  » (Axel)
« Nous avons appris qu’Hitler demandait de tuer 150 français pour un allemand tué. Les barèmes changeaient en fonction du grade de l’allemand tué  » (Antoine et Tiago)
« Cette sortie, cela nous a généré une prise de conscience. On a réussi à ressentir ce que vivaient les résistants qui ne voulaient pas être envoyés en Allemagne (STO)  » (Ayan)
« Les scénettes aident à visualiser ce qui s’est passé dans cette enceinte, les comédiens jouent très bien et j’avais envie de les féliciter mais les scènes étaient si réalistes que je n’osais pas sourire car des personnes réelles ont vécu ces moments et eux, ont vécu l’enfer  » ( Sirine)
« Je me suis rendu compte que l’Ile de France a plein de lieux d’histoire correspondant la guerre comme des cimetières, des prisons, des places…
Dans la chapelle, on nous a montré des graffitis sur les murs faits par les victimes avant d’être fusillés et les caisses transportant les cadavres au cimetière. Nous avons aussi vu les 17 cercueils dans la crypte qui m’ont fait froid dans le dos et m’ont aussi permis de ressentir de l’empathie ( Kilian B)
« J’ai été très impressionné par le processus d’écriture sourcé sur des preuves historiques, un des comédiens a même eu accès aux documents d’André Kirschen. L’écriture du texte et la représentation étaient très réalistes et j’ai eu des frissons et une tristesse au fond de mon coeur.  » ( Diego)
« L’interview de Milo, l’acteur qui jouait le rôle d’André Kirshen, m’a intéressé dans le sens où on ressent son propre intérêt et son engagement dans cette pièce ce qui rend tout plus attractif pour nous, les spectateurs et nous ramène en 41-43  » ( Gabin)
« Une fois que la visite s’est terminée, je me suis sentie prise d’émotion, d’avoir entendu tout ce qui s’était passé dans la forteresse. Cette visite a changé ma vision de l’Histoire, j’ai envie d’honorer la mémoire de ses jeunes morts en continuant de raconter leurs histoires comme celle d’André Kirschen qui a fait 10 ans de prison car il avait 15 ans et demi et qu’il n’avait pas l’âge pour être fusillé. J’ai envie de faire visiter le Mont Valérien et de rendre hommage à tous ces résistants.
Les comédiens travaillent depuis 2022 sur ces scènes car il y a des recherches, de l’écriture et ensuite des phases de répétition en équipe. Tout est réel dans cette pièce, les comédiens ont transmis beaucoup de connaissances que nous n’avions pas et des émotions auxquelles je ne suis pas habituée  » ( Elodie)
Mme Moret - Professeure de Lettres - Histoire
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